Hannah Höfte et Marion Chapon en résidence au Plateau Circulaire autour du réemploi

“ En France, les activités de construction, de réhabilitation et de démolition produisent 73% des déchets, soit 260 millions de tonnes par an *. (...)
Le réemploi est une alternative à l’extraction de matière première et à l’enfouissement de déchets. Il permet de limiter les temps de transports et de favoriser une meilleure répartition de la valeur ajoutée d’un chantier. Il s’agit à l’inverse du recyclage, de travailler avec des matériaux de seconde vie sans leur faire subir une transformation trop importante. Garder l’intégrité de leur forme pour garder leur mémoire comme trace de l’histoire. ” bellastock.com
(* Futuribles, note de cadrage « Économie Circulaire, le BTP doit faire sa révolution », septembre 2014)

UNE RÉSIDENCE D’ARCHITECTURE AUTOUR DU RÉEMPLOI DANS LE BÂTIMENT

Le réemploi dans le bâtiment en Normandie, une filière en structuration

Lancé en 2019, le club « Réemploi Bâtiment Normandie » rassemble en 2023 66 membres mobilisés pour questionner les pratiques de la déconstruction et favoriser le réemploi des déchets et matériaux du bâtiment, encourager la maîtrise d’ouvrage à appliquer des clauses et prescriptions « déchets/ressources/valorisation » dans les Cahier des clauses techniques particulières (CCTP), réunir les acteurs normands pour aller au-delà des premières expérimentations... Cette initiative s’inscrit à la fois dans la dynamique du Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets et dans la stratégie pour une économie circulaire en Normandie.
Avec l’entrée en vigueur de la Responsabilité Élargie du Producteur (2023), il s’agit de réduire les dépôts sauvages de déchets du bâtiment, et d’intensifier la reprise sans frais des déchets avec la densification du maillage des points de collecte. Parallèlement au recyclage bientôt géré par des éco-organismes d’envergure nationale, le réemploi des matériaux propose une réponse locale à la gestion des déchets, bien plus économe en énergie et en carbone, dont les territoires doivent s’emparer.
Territoires pionniers valorise cette filière en cours de structuration depuis sa création, notamment dans le cadre de Chantiers communs. Aujourd’hui elle souhaite soutenir son développement en proposant une résidence d’architecture dont les travaux permettront de nourrir les réflexions, d’accompagner et d’expérimenter ces nouvelles pratiques depuis le terrain.

• en savoir plus : neci.normandie.fr

Le Plateau Circulaire, plateforme de réemploi

En 2017, l’aventure démarre sur le chantier expérimental de la Grande Halle de Colombelles autour du lot réemploi, imaginé par Encore Heureux et Albert & Compagnie, maîtres d’œuvre du projet. Cette première expérience porté par le Wip, impose comme une nécessité la création d’une plateforme physique dédiée au réemploi en Normandie permettant de massifier son usage. L’expérimentation se poursuit de 2019 à 2021 et aboutit à l’étude de faisabilité d’une plateforme de réemploi et à la définition de son modèle économique.
Créé en 2021, le Plateau Circulaire est une entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS) apportant des solutions dans l’intégration de matériaux de réemploi pour les actrices et acteurs de la construction. Il dispose d’une plateforme logistique située à Grentheville dans l’agglomération caennaise, et accompagne des projets, dans tout l’Ouest de la France et l’Ile-de-France. Il met à disposition des matériaux de réemploi, remis à neuf et prêts à l’emploi, ainsi que son savoir-faire technique et logistique pour accompagner les chantiers.
Dès sa création, le Plateau circulaire a été pensé et organisé comme un outil territorial. Un à un les freins techniques au réemploi ont été levés par l’équipe afin de proposer un outil opérationnel à destination des maitres d’ouvrage publics, collectivités et bailleurs, comme privés. Cependant un dernier rempart reste à franchir pour véritablement engager le territoire dans une pratique effective du réemploi : le frein culturel.

• en savoir plus : plateaucirculaire.fr

Vers une architecture locale et circulaire

En s’appuyant sur les réflexions et actions menées par les membres du club « Réemploi Bâtiment Normandie » depuis plusieurs années dans la région et, plus localement, par le Plateau Circulaire, Territoires pionniers a souhaité participer à créer les conditions d’une « architecture en circuit court ». Il s’agissait d’ouvrir avec cette résidence un espace de recherche-action, et d’accompagner ainsi avec un volet culturel la mise en œuvre
de l’économie circulaire dans le bâtiment, plus précisément du réemploi comme réponse à la réduction des déchets dans ce secteur.

Aussi en collaboration avec les actrices et acteurs normands du réemploi, Territoires pionniers a accueilli une équipe de professionnelles qui avait pour objectifs de révéler les potentiels de ce territoire tant au niveau des gisements de matières que du réseau local des actrices et d’acteurs, de les questionner en vue du développement d’une filière locale de réemploi à l’échelle d’un bassin de vie.

Avec leur démarche, les résidentes ont ouvert un espace propice à l’appropriation créative et collective des imaginaires et enjeux liés au réemploi des matériaux dans la construction. Les expérimentations menées durant la résidence ont associé différents partenaires locaux, et ont contribué à initier des transformations écologiques et sociales dans certains espaces identifiés comme à fort potentiel.

Cette résidence avait pour ambition d’aider à ouvrir les imaginaires et à soutenir des pratiques nouvelles autour du réemploi dans le bâtiment en direction de tous types de maitres d’ouvrage, publics comme privés, et maitres d’œuvre mais aussi les étudiant·es, actrices et acteurs économiques ou associatifs, comme les particuliers.

Enfin, durant la saison 2023-2024, Territoires pionniers a mis en œuvre dans son propre local associatif, situé au rez-de-chaussée d’un immeuble des Quatrans, patrimoine issu de la Reconstruction, un chantier démonstratif de rénovation en réemploi en collaboration avec le Plateau Circulaire, une occasion supplémentaire pour explorer ce sujet avec une résidence dédiée.

IMAGINAIRES DE RÉEMPLOI

En 2023, Territoires pionniers a accueilli Hannah Höfte et Marion Chapon pour une résidence d’architecture thématique dédiée au réemploi.

Hannah Höfte est diplômée d’état en architecture et HMONP. Elle s’investit pour le développement du réemploi de matériaux depuis son diplôme en 2019. Installée à Marseille, elle exerce en tant qu’accompagnatrice réemploi depuis 2022 à son compte et au sein du bureaux d’études Raedificare. Elle administre la page instagram déconstruisons partageant veille et recherche autour de la démolition et du réemploi.
Marion Chapon est architecte DE diplômée en 2018. Après s’être formée à l’écoconstruction sur des chantiers participatifs, elle change d’échelle et devient menuisière afin d’avoir une prise plus totale sur ses projets. Toujours dans une réflexion sur l’impact écologique des ouvrages qu’elle conçoit et réalise, le réemploi de matériaux est un enjeu qui prend de plus en plus d’importance dans sa pratique. Elle est également technicienne valoriste des ressources du bâtiment depuis 2022.
Elles sont toutes deux membres de l’Atelier MARE (Méditerranée - Architecture - Recherche et Expérimentation), association transdisciplinaire qui agit pour la mise en valeur des paysages, matériaux et savoir-faire constructifs méditerranéens, en réponse aux enjeux écologiques du territoire. Elles sont également engagées dans l’association École Zéro et ses écoles d’été expérimentales depuis 2020.

"Imaginaires de réemploi"

"D’un point de vue juridique, ce terme est très précis, il renvoie à un article du code de l’environnement que nous ne vous citerons pas ici. [1] Tentons tout de même de résumer cela simplement : Le réemploi renvoie à une opération par laquelle des éléments qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus (ex : une porte est démontée puis remontée ailleurs). Il se distingue de la réutilisation qui consiste à changer l’usage d’un élément ayant acquis le statut de déchet (ex : une porte devient une table) et du recyclage qui demande une transformation de l’élément initial souvent coûteuse en énergie (ex : une porte est broyée puis transformée en panneaux de bois aggloméré).
Dans le cadre de notre résidence, nous décidons de ne pas trop nous attarder sur ces définitions et de considérer le réemploi comme le fait de donner une seconde vie à un élément de construction (matériau, équipement…) qui a déjà servi. On peut le rapprocher des termes plus répandus dans le langage courant de “récup”, de “seconde main” ou de “reconditionné” (lorsqu’il y a une opération de retraitement).
Pour aller plus loin, le terme de “réemploi” intègre pour nous également la notion de réemploi de bâtiment ou d’une partie de bâtiment. En effet, la conservation et la transformation de bâtiments existants sont directement liées à la démarche de réemploi de matériaux, elles en sont les étapes préliminaires. Ainsi, plus largement, s’intéresser au réemploi dans l’architecture et dans la ville de Caen, revient pour nous à porter attention à ce qui préexiste dans un sens large, qu’il s’agisse de ressources matérielles, de bâtiments, de son patrimoine bâti ou même vivant… et aux démarches de soin envers celui-ci (préservation, entretien, réparation…). Voilà que notre champ de recherche s’élargit !"
Hannah Höfte et Marion Chapon, extrait de leur blog

La démarche menée par Hannah et Marion est détaillée sur le blog de leur résidence.

Hannah et Marion ont été accueillies en résidence dans l’agglomération caennaise :
 du 02 au 14 octobre 2023
 du 06 au 18 novembre 2023
 du 04 au 16 décembre 2023.

"Imaginaires de réemploi", le podcast

Est-ce possible de construire avec des matériaux “de seconde main” ? A quoi cette notion fait référence dans les imaginaires collectifs ? Pourquoi a-t-on oublié ce réflexe ancestral ? Quel rapport les Normands entretiennent-ils avec cette pratique ? Comment limiter les déchets et l’extraction générés par la construction de nos villes ? En quoi est-ce qu’il s’agit d’enjeux culturels collectifs ?

Hannah Höfte et Marion Chapon partagent l’enquête qu’elles ont menée en allant à la rencontre de différents acteurs et publics normands, et partagent le récit de leurs entretiens et réflexions dans ce podcast qui espère “ouvrir vos imaginaires” !

Ecriture : Marion Chapon et Hannah Höfte
Réalisation et mixage : Aurore Le Bihan

(Ré)écoutez les 3 épisodes du podcast "Imaginaires de réemploi" réalisé pendant la résidence !